Décret open data: Gotham City saisit la Cour européenne des droits de l'homme

20 décembre 2022

Notre requête auprès de la CEDH fait suite au rejet de notre recours auprès du Conseil d'Etat contre le décret du 29 juin 2020 dit d'"open data des décisions de justice". Gotham City estime que la France va à l'encontre du droit d'accès aux décisions de justice, tel qu'il résulte de l'article 6 et de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 6 porte sur le principe de publicité des procès. Ce principe a pour objectif de "permettre le contrôle du pouvoir judiciaire par le public afin d’assurer le droit à un procès équitable", indispensable dans une société démocratique.

L'article 10 traite du droit de la liberté d’expression. En particulier la "liberté de recevoir et de communiquer des informations" pour alimenter le débat public. La CEDH a déjà mis en avant, par le passé, le fait que "les obstacles dressés pour restreindre l'accès à des informations d'intérêt public risquent de décourager ceux qui travaillent dans les médias ou dans des domaines connexes de mener des investigations sur certains sujets d'intérêt public. En conséquence, ils pourraient être moins à même de jouer leur indispensable rôle de "chien de garde", et leur aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie".

Pour Gotham City et sa société éditrice, Fiatlux Sàrl, notre principale source d’information réside dans l’accès aux copies de décisions de justice. Nous sommes donc directement affectés, en tant que journalistes, par l’existence du dispositif légal et réglementaire applicable en France à cet égard, qui freine considérablement un accès rapide et effectif à ces décisions. 

Nous ne sommes évidemment pas les seuls touchés: les professionnels du droit rencontrent les mêmes obstacles que les journalistes. C'est pourquoi l'avocat Stéphane Bonifassi a déposé à nos côtés une seconde requête auprès de la CEDH.

"Comme avocat pour des personnes accusées ou victimes d’infractions, explique-il, l’incroyable parcours du combattant pour obtenir une copie de décisions de justice, et si obtenues, pour que ces décisions soient lisibles et compréhensibles, est franchement insupportable. Le parquet, lui, à accès à tout. Cette situation est totalement anormale et le Conseil d’état me semble être passé complètement à côté de la question. La publicité de la justice, principe fondamental s’il en est, ce n’est pas uniquement le prononcé en catimini d’une décision de justice, c’est aussi que ceux que ça intéresse, citoyens, journalistes, professionnels de la justice, puissent y avoir accès, la lire et la comprendre".

Nous sommes représentés par Patrice Spinosi et Nicolas Hervieu (SCP Spinosi). Ces derniers espèrent que ce recours "permettra à la Cour européenne de condamner la France pour violation du principe conventionnel d’accès aux décisions de justice et du droit à la liberté d’expression, en particulier des journalistes. Car ces droits, tout à fait cruciaux dans une société démocratique, sont gravement affectés, du fait du nouveau dispositif français, par des restrictions aussi excessives qu’injustifiées".

Compte tenu des enjeux soulevés, nous espérons que notre requête fera l'objet d'un traitement prioritaire de la part de la CEDH.

Lire nos articles précédents: Gotham City dépose un recours au Conseil d'État contre le décret open data et Publicité des décisions de justice: le débat continue.

Document lié à cet article:
Observations annexées au formulaire de requête - Affaire Fiat Lux et Bonifassi c. France - Pour la société Fiat Lux (19 décembre 2022)