Publicité des décisions de justice: le débat continue

30 août 2022

Nous vous en parlions il y a tout pile deux ans: Gotham City avait déposé un recours auprès du Conseil d'Etat contre le décret du 29 juin 2020 dit d'"open data des décisions de justice". Nous estimions que les nouvelles contraintes en matière d'anonymisation des décisions publiées en ligne et de transmission de copies mises en place par ce texte, visant à protéger la vie privée des justiciables, entraient en conflit avec le droit à l'information.

Notre recours portait sur les motifs d’occultation des décisions de justice (notamment au motif des intérêts fondamentaux de la Nation) sur le délai de mise à disposition du public de celles-ci, sur le pouvoir d’opposition du procureur de la République et du procureur général à la délivrance de certaines copies ainsi que le droit au recours contre ces décisions de refus (lire aussi: Gotham City dépose un recours au Conseil d'État contre le décret open data).

Stéphane Bonifassi, qui signait le recours aux côtés de Gotham City, explique qu'"à titre d’exemple des problèmes que soulève cette législation, comme avocat souvent en défense en matière pénale, l’accès aux décisions de justice est un parcours du combattant, alors que le parquet lui, dispose de l’ensemble des décisions. Outre ce déséquilibre quant à l’accès à la jurisprudence, si on ajoute que le parquet est maître de l’audiencement, cela lui permet de faire sa justice prédictive à lui et éventuellement son "forum shopping". Cela pose un grave problème d’égalité des armes".

Le 19 août 2022, la plus haute juridiction administrative française a néanmoins décidé de rejeter notre recours pour excès de pouvoir. Cet arrêt ne met néanmoins pas un terme au débat sur la publicité des décisions de justice.

En effet, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a accepté, le 27 juin 2022, d'examiner une requête introduite par le fondateur et ancien directeur général du site internet Doctrine. Ce dernier attaquait la France pour son refus d'accès aux copies des minutes civiles des jugements du Tribunal de grande instance de Paris et aux documents d’archives publiques de ce tribunal.

En effet, explique Doctrine, "depuis l’automne 2021, les décisions de justice rendues par certaines juridictions sont diffusées en open data (c'est-à-dire, librement accessibles et réutilisables) par la Cour de cassation et le Conseil d’État, qui sont les garants de leur diffusion contrôlée". Mais, "si l'open data prévoit aujourd'hui de rendre accessible tout le flux de nouvelles décisions, les dizaines de millions de décisions passées restent inaccessibles". Il existe en effet "un vide juridique concernant les décisions rendues antérieurement à la mise en œuvre de l’open data, les textes restant muets sur leur statut".

Suite à une saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs, puis une saisie, sans succès, des juridictions administratives dans l'Hexagone, le fondateur de Doctrine s'est tourné vers l'échelon européen. La décision de la CEDH est très attendue.

Documents liés à cet article:
Arrêt du Conseil d'Etat (19 août 2022)